jeudi 13 mai 2010

Le mystère de la disparition des abeilles

Depuis 2006, un mal foudroyant décime des colonies entières d’abeilles. Les apiculteurs perdent en moyenne entre 50 et 80 % de leur cheptel. Chaque fois, le même scénario se répète : en une nuit les ruches sont retrouvées désertes, à l’extérieur pas de cadavre, à l’intérieur une reine en bonne santé qui continue même à pondre et des larves affaiblies qui ne résisteront pas longtemps.

Les scientifiques appellent ce phénomène le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles ou CCD (Colony Collapse Disorder, en anglais). Les pertes sont non seulement brutales mais aussi extrêmement inquiétantes pour l’homme. En effet, aujourd’hui un tiers de notre nourriture dépend directement de l’abeille, le pollinisateur agricole le plus important de notre planète. Le transport des grains de pollen sur le pistil de la fleur est majoritairement assuré par les abeilles. Sans elles, pas de pollinisation et sans pollinisation pas de fruits ni de légumes. C’est donc la production alimentaire elle-même qui s’en trouve menacée et par là même, la survie de l’humanité.

D’un point de vue écologique, un désastre mondial semble se profiler, d’autant plus que les scientifiques ne trouvent guère de remède au CCD, la multiplicité des facteurs rendant leur tâche plus compliquée. Les pesticides seuls ne peuvent être incriminés comme dans les années 1990. Aujourd’hui les causes sont abondantes et les solutions quasi inexistantes. Pour les apiculteurs l’enjeu est également économique. En France, entre 1995 et 2005, les pertes de ruches ont été de 300.000 à 400.000 par an sur un cheptel total de 1.350.000 ruches. 1.500 apiculteurs ont ainsi dû cesser leur activité et changer de métier. A l’échelle mondiale, les abeilles se chargent de la pollinisation de cultures pour près de 153 millions d’euros. Leur disparition engendrerait un manque à gagner considérable ainsi que des milliers de chômeurs. Considérées comme une « sentinelle » de l’état de l’environnement, l’abeille est le maillon de la chaîne qui est le plus exposé aux diverses pollutions de la terre, c’est pourquoi sa disparition ne doit pas être prise à la légère.

Des apiculteurs contraints de se réorienter
Sophie Dugué a perdu en trois jours une grande partie de son cheptel. Réaliste, elle décide de se réorienter dans l’élevage de reines.
Depuis 1986, Sophie Dugué est apicultrice dans la Sarthe. En vingt-quatre ans, elle s’est constitué un très beau cheptel composé de 750 ruches. Seulement depuis huit jours, les abeilles de Sophie ont été à leur tour les victimes du CCD. « Il y a une semaine nous avons constaté un effondrement de nos butineuses. Comme pour mes collègues apiculteurs, il n’y avait pas de cadavres d’abeilles autour de la ruche, il restait bien une reine mais plus de butineuses. »

Pour Sophie, les pertes sont lourdes. Plus de 100 ruches sont retrouvées désertes. Financièrement, cela représente 2,5 tonnes de miel à vendre en moins. A 3,5 euros le kilo, le calcul est vite fait, plus de 8.700 euros qui partent en fumée. Sans compter que chaque ruche produit un essaim commercialisé à 90 euros. C’est encore 9.000 euros de perdus. « La situation est dramatique », confie Sophie, « surtout que nous ne sommes pas les seuls, c’est toute l’apiculture qui meurt lentement ». Pour ne pas abandonner complètement son métier, depuis 1995, Sophie s’est réorientée vers l’élevage de reine. Un apport supplémentaire qui représente actuellement la moitié de ses revenus. « Je regrette de devoir faire ça, ce n’est pas mon vrai métier. Je suis avant tout apicultrice, je dois produire du miel, mais aujourd’hui si je ne fais pas ça je ne peux pas vivre », explique-t-elle. Et si Sophie ne baisse pas les bras, elle attend tout de même que le gouvernement prenne les choses en main. « J’aimerais qu’on se soucie davantage de nos problèmes, la disparition des abeilles c’est grave, il faut sauver l’apiculture. »

France Soir

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