lundi 13 septembre 2010

Murakami, l’expo qui fait tousser Versailles

Un conseil : oubliez les polémiques, lâchez prise et foncez sur le toboggan des vingt-deux œuvres ludiques et colorées de Takashi Murakami, qui bousculent les habitudes du château de Versailles. Deux ans après le homard géant de l’Américain Jeff Koons, le parfum de scandale renaît avec les monstres séduisants et les lutins inquiétants sortis d’un manga de la star japonaise de l’art contemporain.
Une pétition qui a réuni plus de quatre mille signatures s’oppose à l’exposition et une manifestation est annoncée mardi, jour de son ouverture officielle.

Observons la supposée « scène du crime »… de lèse-majesté. Les indices? Des fleurs. Une pin-up un peu provocante. Kiki et Kaikai, sphinx farceurs qui encadrent le buste de Louis XIV dans la salle de Vénus. Les enfants risquent d’adorer ces garnements sculptés et acidulés, culottés et féroces, qui semblent braver l’interdit, comme un jeu de piste d’une salle à l’autre du château. Même les puristes devront reconnaître la sophistication extrême des centaines de nuances de couleurs de « Flower Matango », sculpture monumentale de fleurs-soleils-personnages installée dans la galerie des Glaces.

Les fans du cinéaste d’animation Miyazaki, l’auteur de « Mon voisin Totoro » et d’un « Château dans le ciel », retrouveront dans ce château bien réel et ses invités-intrus la même fantasmagorie, la même magie. Murakami se représente lui-même comme une sorte de Totoro, ou en empereur ridicule, avec une toute petite couronne sur une très grosse tête. Salle du Sacre, face à celui de Napoléon par David, peinture officielle reproduite dans tous les manuels scolaires, l’offense malicieuse de ces « Nouveaux Vêtements de l’empereur » — titre de la sculpture — agacera ou réjouira.

« Il existe une profonde connivence entre Murakami et l’esprit de Versailles, qui n’est ni Port-Royal ni Saint-Cyr. Ce n’est pas un carmel ni une abbaye. On voudrait imposer une pudibonderie qui n’a jamais eu cours. Versailles a été voulu pour la fête, le bonheur, la profusion », défend Jean-Jacques Aillagon, président du château.

Les visiteurs venus au château ces derniers jours sont plus divisés lorsqu’ils découvrent les œuvres, déjà installées, de l’artiste japonais. « Je n’ai rien contre l’artiste, mais je me demande : «Qu’est ce que ça fait là ? », clame Alain, 89 ans. Ca ne met pas en valeur ce que l’on vient voir ici ». Même son de cloche chez Emilie, 21 ans: « Je verrais plutôt ça dans un musée d’art moderne. Je ne suis pas venue au château voir ça», glisse la jeune femme qui avoue toutefois «ne pas être choquée du tout». Yoshi, Japonais venu de Tokyo, n’apprécie pas non plus les sculptures de son compatriote : «Tous ces objets gâchent les lieux. » Hervé, 49 ans, s’avoue séduit par « Miss Ko2 », fantasme sexy sorti d’un manga. «C’est un peu surprenant dans ce décor, mais j’aime bien», sourit le visiteur. Et Carole, 35 ans, est interpellée par l’immense bouddha ovale qui trône entre les deux petites pièces d’eau du jardin, « joli mais un peu étrange ». Les autres ont trois mois pour se faire leur opinion. Seule certitude : avant même son ouverture officielle, l’exposition Murakami à Versailles s’impose déjà comme un phénomène médiatique. Au-delà des amateurs d’art moderne, l’effet de curiosité est garanti.
Du 14 septembre au 12 décembre. Toutes les œuvres de Murakami (à l’exception d’une salle spéciale qui ouvrira mardi) sont déjà visibles ce week-end, sur le parcours de la visite des grands appartements et de la galerie des glaces.
http://www.leparisien.fr/loisirs-et-spectacles/murakami-l-expo-qui-fait-tousser-versailles-12-09-2010-1064575.php

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