vendredi 24 septembre 2010

Alexandre Bompard au centre d'un western à Europe 1

Chez Europe 1, les dagues vont-elles retrouver leur fourreau ? Une chose est acquise, Alexandre Bompard, le patron de la station, ne sera pas licencié. La visite impromptue, mercredi soir vers 19 h 30, dans les locaux de la station d'Arnaud Lagardère, le big boss du groupe, met un terme à une longue traînée de rumeurs sur le départ éventuel de ce jeune manager. Le propriétaire, venu assister à l'émission de Nicolas Demorand, la nouvelle star de la maison, en a profité pour conforter Bompard aux manettes d'Europe 1. Et pourtant, combien de fois avons-vous entendu dire qu'Arnaud Lagardère allait s'en séparer ?


Depuis septembre 2009, Bompard était pressenti pour présider France Télévisions. Il aurait alors fallu qu'il quitte Europe 1, dont il avait pris les rênes deux ans plus tôt. Nicolas Sarkozy n'a finalement pas arrêté son choix sur lui. Depuis, la rumeur prétend qu'Arnaud Lagardère n'a plus confiance en lui, que Bompard lui aurait menti, aurait caché des notes écrites au chef de l'État, se serait servi d'Europe 1 pour construire son tremplin vers le groupe public, et que, découvrant le pot aux roses, Arnaud Lagardère le licencierait tôt ou tard. Pure intoxication ? Ou bien est-ce la stricte vérité ? Deux versions s'affrontent.

Fogiel se voit promettre la direction générale d'Europe 1


Tout commence le samedi 10 avril. Alain Minc, conseiller de Nicolas Sarkozy, téléphone à Didier Quillot, le patron de Lagardère Active, en lui annonçant que Nicolas Sarkozy a décidé de nommer Alexandre Bompard à la tête de France Télévisions. Vrai ? Faux ? Selon ses détracteurs, Didier Quillot, le supérieur hiérarchique de Bompard, serait loin d'en être désolé. Il aurait toujours conçu de la méfiance pour le jeune manager venu de Canal+. Si Bompard s'en va, l'occasion serait trop belle de prendre directement la présidence d'Europe 1, ne serait-ce que pour éviter que ne débarque, de nouveau, un jeune poulain de Lagardère... Selon nos informations, Quillot téléphone à Bompard et lui demande, sur la foi des propos de Minc, de lui présenter sa lettre de licenciement. Interloqué, Bompard refuse... Pourquoi démissionner ? Les deux hommes se disputent. Bompard assure à Quillot que rien n'est fait et le conjure de ne rien mettre en oeuvre qui laisserait penser que la machine élyséenne s'est mise en marche. Contacté par Le Point.fr, Didier Quillot ne souhaite pas répondre ni être cité, en dépit de notre insistance.


Le lendemain, à son domicile de Levallois-Perret, Quillot aurait reçu Marc-Olivier Fogiel, l'animateur de la matinale, et Philippe Balland, le patron des programmes d'Europe 1. Quillot leur aurait annoncé son "plan de succession" : à lui la présidence "par intérim", tandis qu'eux seraient ses directeurs généraux, l'un chargé de l'info, l'autre des programmes et de l'antenne. Fogiel serait séduit et Balland ne dirait pas non. Quillot aurait alors prévenu la maison mère, rue de Presbourg, au siège de Lagardère. Au téléphone, il serait tombé sur Ramzi Khiroun, le porte-parole d'Arnaud Lagardère, qui nous confirme cet épisode. L'opération aurait été aussitôt stoppée. "D'abord, le choix de Bompard n'est pas acquis, et puis on ne veut pas de "saltimbanques" à la tête d'Europe 1. On veut un manager", lui répond Khiroun après avoir consulté Arnaud Lagardère, lequel, entre-temps, a vérifié auprès de son ami Nicolas Sarkozy que, en effet, le choix du président de France Télévisions n'était pas arrêté.


Bompard refuse de démissionner


Passent les jours, et la nomination d'Alexandre Bompard n'intervient toujours pas... "La petite musique de la valse des postes au sein d'Europe 1 continuait tout de même à nous parvenir", confie-t-on rue de Presbourg. Chacun se serait pris à rêver de pouvoir. Et, bien entendu, ce "malotru" de Bompard refuse toujours de donner sa démission. Il ne comprend pas pourquoi il devrait quitter Europe 1. Du reste, il n'a aucune nouvelle du Château, même si son nom revient sans cesse dans tous les articles évoquant l'interminable feuilleton de la succession de Patrick de Carolis.

Ce feuilleton agace Arnaud Lagardère d'autant que Bompard ne lui donne que très peu de signes durant cette période. Lagardère s'impatiente, se froisse et finit par croire que Bompard se fiche d'Europe 1 et ne pense plus qu'à France Télévisions... En réalité, dès le mois de septembre 2009, Bompard s'est tourné vers son supérieur direct, Didier Quillot, pour lui demander conseil : "Dois-je en parler à Arnaud Lagardère ?" Qu'à cela ne tienne, Quillot promet de s'en occuper lui-même.


Un tête-à-tête secret Lagardère-Bompard


Finalement, le 29 juin, Le Point.fr annonce la nomination de Rémy Pflimlin à la présidence de France Télévisions. Marc-Olivier Fogiel, qui pense que Quillot va obtenir gain de cause, refuse encore de rempiler pour une nouvelle saison. Officiellement, il "réfléchit"... D'aucuns disent qu'il attend de savoir s'il obtiendra la direction générale de la station. Du reste, le 6 juillet, un comité exécutif se tient au siège du groupe Lagardère entre tous les patrons de branche. Nous sommes, à ce moment-là, au lendemain de l'officialisation de la candidature de Pflimlin pour la présidence de France Télévisions.

Ici, deux versions diamétralement opposées circulent. Pour les uns, Quillot aurait été le seul à avoir défendu la tête de Bompard quand tous voulaient la guillotine. Mais selon une autre source, c'est Quillot qui, lorsque son tour fut venu, aurait dit : "Il n'y a pas de sujets pour moi. Le licenciement d'Alexandre Bompard est acquis. Je prends l'engagement devant vous de le virer le 15 septembre." Arnaud Lagardère aurait pris acte. Pourquoi le 15 septembre et pas maintenant ? Début juillet, il s'agit d'éviter d'effrayer les animateurs d'Europe 1 qui n'ont pas encore signé pour la saison suivante. Certains pourraient se dire que si Bompard s'en va, ils ne rempilent pas... Nicolas Demorand par exemple. Didier Quillot dément formellement cette version. À vrai dire, au sortir de cette réunion, pour avoir été le seul à défendre Bompard, il n'aurait guère eu d'illusions quant à son propre sort.


Qui dupe qui ?


Arnaud Lagardère veut tout de même en avoir le coeur net. Le 8 juillet, il invite, dans le secret le plus absolu, Alexandre Bompard à venir s'expliquer en tête-à-tête dans son bureau. Lagardère aurait alors découvert que Bompard avait tenu Quillot au courant de ses deux entretiens avec Nicolas Sarkozy. Des e-mails attestent l'authenticité de ses propos. Leur discussion s'étend sur deux heures. À la sortie, Lagardère confirme Bompard à son poste, mais lui fait promettre de ne parler de ce tête-à-tête à personne. Bompard restera bouche cousue durant tout l'été. Interrogé par Le Point.fr, Bompard ne commente pas, mais ne dément pas.


Selon cette version, Quillot ne se doute pas que Lagardère va commencer à l'observer. Et pendant tout l'été, les bruits vont commencer à circuler sur la déchéance de Bompard, Quillot se donnant le beau rôle : "J'ai sauvé la tête de Bompard contre Lagardère, mais bon, je ne pourrai pas toujours le protéger", laisserait-il traîner sur les plages corses où il séjourne en vacances... Un "double langage", aux yeux de son patron. "À moins que Lagardère et Bompard ne se soient réconciliés sur le dos de Quillot pour lui faire porter le chapeau", objecte un ami de Didier Quillot.


Quillot s'envole furieux pour New York


L'été s'achève, c'est la rentrée : le 30 août, Alexandre Bompard présente sa grille de rentrée. Arnaud Lagardère aurait voulu s'y rendre lui-même, mais il est retenu à New York où se dispute l'US Open. Il y rencontre Kevin O'Connor, le co-patron de la branche sportive du groupe, dont neuf joueurs sont engagés au tableau du tournoi. Il délègue sa garde rapprochée : Pierre Leroy, associé-gérant, Thierry Funk-Brentano, directeur des relations humaines et de la communication, et Ramzi Khiroun, le porte-parole, siègent au premier rang. Dans son discours, Bompard insiste sur son "engagement total au service du groupe Lagardère" et ajoute : "J'ai la conviction que nous vivrons ensemble de grandes aventures." Au début de son discours, il salue Quillot au même titre que les représentants de l'actionnaire. Quillot aurait quitté la conférence de presse en s'indignant que Bompard n'ait pas davantage reconnu ses mérites, lui qui l'a protégé contre les velléités de Lagardère de le licencier... Qui dupe qui ?


Ce jour-là, Quillot file à l'aéroport où, à 16 h 35, un avion décolle pour New York. Arrivé aux États-Unis, il retrouve Arnaud Lagardère pour un petit-déjeuner. Selon les proches d'Arnaud, Quillot propose de licencier Bompard cette fois pour "le 15 novembre" si le groupe le souhaite toujours. Arnaud Lagardère l'aurait écouté, en savourant in petto tout le sel de la situation. D'autant que Quillot aurait affûté ses arguments : ce serait idiot de virer Bompard deux semaines après la rentrée, mais, le 15 novembre, les audiences Médiamétrie seront tombées. Elles seraient nécessairement mauvaises, ce qui justifierait le licenciement de Bompard. Inutile de dire que Didier Quillot dément totalement cette thèse pour la simple et bonne raison que, ce jour-là, lors de son tête-à-tête avec Arnaud Lagardère, il n'aurait jamais été question de Bompard...

Une sale ambiance


La machine à rumeurs, elle, reprend son moulin : untel assure que Bompard est en partance pour Orange, un autre affirme qu'il a vu Bouygues pour remplacer Paolini à la tête de TF1. Et Fogiel, qui se voit toujours directeur général de la station, "bizute" à l'antenne Nicolas Demorand, la nouvelle star d'Europe 1. "Sur le mode Tu vas voir quand ce sera moi le taulier," explique un proche d'Arnaud Lagardère.


Ramzi Khiroun, porte-parole d'Arnaud Lagardère, délivre le message officiel autour de cette étrange histoire : "Alexandre Bompard a toute la confiance du groupe. Pour nous, il n'a jamais été question qu'il quitte son poste. Quoi qu'en disent certains, les nominations au sein de la présidence d'Europe 1 dépendent exclusivement d'Arnaud Lagardère et nous ne tolérerons aucune tentative de déstabilisation d'Europe 1 et de ses équipes à des fins personnelles." Le western ne fait que commencer... Depuis plusieurs mois, Didier Quillot se sait sur la sellette à l'heure où Arnaud Lagardère a fait revenir en France Alain Lemarchand, un manager très respecté du groupe.

http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/emmanuel-berretta/alexandre-bompard-au-centre-d-un-western-a-europe-1-23-09-2010-1240109_52.php

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