mardi 26 octobre 2010

Elie Mazaltov, le médecin dans son dernier combat

L'épouse de ce médecin est décédée à l'hôpital de Soissons. Dans des conditions normales ? Précisément pas, selon cet homme de l'art qui parle, ici, d'âme plus que de maux. LUCIENNE a eu de belles funérailles. C'est ce que voulait Elie, son époux. Elle était vêtue de cette magnifique robe qu'elle portait au mariage du neveu. Par dessus, son manteau de vison, dans les teintes du cercueil acajou choisi par celui dont elle partageait la vie depuis quarante-six ans. Lucienne Mauricette Delorme est enterrée à Cuffies. Elle est morte, le 16 juillet. C'est ce qu'on suppose. « Je suis arrivé en matinée à l'hôpital de Soissons pour lui rendre visite », signale le médecin. Elle avait été transférée dans le service de pneumologie sans que j'en sois informé. C'est là que la surveillante chef m'a dit que ma femme était décédée le matin, à 6 heures. » Elie Mazaltov a commencé à exercer en 1954. Il a signé sa dernière ordonnance à Cuffies en 1992 et de son art, il a oublié peu de choses. Ce 16 juillet 2010, il se rend donc au chevet de son épouse, morte quatre ou cinq heures plus tôt, selon ce que lui rapporte le cadre infirmier. « J'ai trouvé ma femme en état de rigidité cadavérique, ce qui prouve que madame la surveillante chef avait couvert son administration en prétendant que mon épouse était décédée à 6 heures du matin ». Il faut une douzaine d'heures pour qu'un corps durcisse. Y a-t-il donc eu mensonge ? Une décision sans consultation « J'ai 86 ans, presque cinquante ans de médecine derrière moi, alors au soir de ma profession et sans doute de ma vie, c'est mon dernier combat ». Le Dr Mazaltov qu'un accident vasculaire cérébral a légèrement handicapé en 2005, bataille aujourd'hui devant le conseil de l'ordre et la direction de l'hôpital pour obtenir des explications sur la fin qu'il juge humainement indigne et anormale de son épouse. « Elle a été victime d'un syndrome du tronc cérébral, le 14 mai 2010, à mon domicile, relate Elie Mazaltov. Elle a été hospitalisée dans le service de neurologie pendant un mois, et dans un profond coma. Ensuite, et sans que l'on m'avertisse, elle a été transférée dans le service de moyen séjour un mois encore. Et puis finalement, en pneumologie où le drame s'est joué. » Elie Mazaltov est un médecin à l'ancienne. Un personnage à la foi chevillée aux tripes qui ne redoute pas les inimitiés que lui vaut un tempérament entier. Dans la lutte qu'il engage à présent, il est moins question de technique que de déontologie, de philosophie et de morale. « Pourquoi abdique-t-on ? » Le lendemain de l'entrée en neurologie de son épouse, Le Dr Mazaltov, accompagné de ses deux beaux-frères, rencontre le chef du service de neurologie à l'hôpital. Un gouffre s'ouvre ce jour-là entre l'octogénaire et son cadet, chef de service et praticien hospitalier depuis douze ans à Soissons. « Celui-ci s'est adressé exclusivement aux frères de mon épouse en m'ignorant totalement. Mais je l'ai bien entendu suggérer à mes proches une fin paisible. A mon sens, c'était simplement préconiser une euthanasie qui ne disait pas son nom. » Les convictions du Dr Mazaltov sont aux antipodes, mais au delà, aujourd'hui, il fustige des comportements qui lui semblent aller à l'opposé de toute logique. « L'humain, la déontologie et tous les préceptes du serment d'Hippocrate qui nous ont guidés comptent bien peu devant la machine administrative, regrette Elie Mazaltov. Pourquoi si peu de personnel en fin de journée et la nuit dans les hôpitaux ? Pourquoi a-t-on dévalorisé à ce point le sanitaire, alors qu'il n'y a rien de plus essentiel ? Pourquoi abdique-t-on ? » lance encore celui qui a pratiqué 150 accouchements, détecté la première amiantose dans l'Aisne et soigné avec des mots autant qu'avec des molécules. Voilà beaucoup de questions. Les interlocuteurs du médecin, ou d'autres, les examineront avec soin.
 http://www.lunion.presse.fr/article/aisne/elie-mazaltov-le-medecin-dans-son-dernier-combat

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