dimanche 17 mars 2013

Trente ans de scandales alimentaires : « La confiance n'est jamais revenue »

 Les consommateurs n'ont pas encore tout vu, estime le journaliste Fabrice Nicolino (1)

L'affaire de la viande de cheval aura-t-elle été utile ?
Fabrice Nicolino. Comme elle s'inscrit dans une suite de scandales qui se sont enchaînés depuis trente ans, la question est de savoir combien il en faudra avant qu'un changement réel intervienne dans les pratiques de cette industrie.

Son retentissement n'entraîne-t-il pourtant pas une nouvelle prise de conscience ?
Il s'est agi là d'une crise de confiance et non d'un problème sanitaire car la consommation de viande de cheval ne rend pas malade. Si l'affaire, qui, j'ose le dire, est assez mineure, a pris de telles proportions, c'est parce que la confiance n'est jamais revenue. La psychose est due au fait que les consommateurs se demandent si ce scandale n'en cache pas d'autres. Or ils ne sont pas au bout de leurs peines.

http://www.sudouest.fr/2013/03/10/trente-ans-de-scandales-la-confiance-n-est-jamais-revenue-990014-4778.php
Vous pensez à la question des résidus d'antibiotiques ?
Je n'ai aucun plaisir malsain à raconter cela, mais ce problème est en effet bien plus grave que l'affaire du cheval. 50 % des antibiotiques fabriqués dans le monde vont en effet à l'élevage industriel. Un problème de santé publique se pose avec l'apparition du Sarm (NDLR : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline), qui prolifère dans les élevages industriels et dont il est certain qu'il tue des humains. C'est d'une autre nature que la question de la fraude à la viande de cheval !
Selon vous, l'attitude du gouvernement dans l'affaire de la viande de cheval a-t-elle été appropriée ?
Elle a répondu aux consignes des agences spécialisées dans la gestion de crise : dans un premier temps, ils ont désigné un bouc émissaire afin de détourner l'attention. Au début, les Roumains, puis un trader, enfin l'entreprise Spanghero. Dans un deuxième temps, ils ont montré leurs muscles, en annonçant transparence et multiplication des contrôles. Mais pour contrôler quoi ? La présence dans la viande de résidus d'antibiotiques, mais aussi de neuroleptiques, d'hormones, d'antiparasitaires, ce n'est pas du truandage, c'est légal ! Bien sûr, il ne s'agit pas de quantités extravagantes, mais des études fines montrent que, même à des concentrations infinitésimales, certains de ces produits chimiques ont un effet toxique, délétère, sur les tissus et les organismes des êtres vivants…
Désormais, quelles réactions vous paraissent nécessaires ?
Il ne peut y en avoir, sauf venant de la société, et, à ce propos, je suis très étonné de l'inertie des mouvements de consommateurs. L'industrie de la viande doit être remise à sa place. Elle est allée trop loin, elle a perdu tous les repères moraux, essentiels, élémentaires. Comme la créature de Frankenstein, elle a échappé à ses créateurs. Or on ne peut pas jouer avec l'alimentation comme avec un produit financier. Il ne serait donc pas fou d'envisager une sortie de l'élevage industriel, qu'un nouveau contrat soit passé entre la société et les éleveurs. On mangerait moins de viande mais pour le bénéfice d'une meilleure santé. Cela ne se fera pas en six mois mais il vaut mieux passer quinze ans à en sortir que de continuer jusqu'à la fin des temps et d'aller ainsi de scandale en scandale.
(1) Fabrice Nicolino est notamment l'auteur de « Bidoche » (LLL éditions et chez Babel).

http://www.sudouest.fr/2013/03/10/trente-ans-de-scandales-la-confiance-n-est-jamais-revenue-990014-4778.php

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