lundi 31 janvier 2011

Il était mineur et soldat, il ne sera pas Français

Saïd Sadoudi a vécu cinquante-cinq ans en France. Après avoir servi sous les drapeaux et travaillé au fond des mines, il se voit refuser la nationalité française. C’est dans sa maison à Saint-Jean-du-Pin qu’il nous reçoit, avec sa femme Zineb, (elle aussi déboutée de sa demande), son fils Saddek et sa belle-fille Florence. Pour pousser un coup de gueule : le 21 janvier, le couple de retraités s’est vu opposer une fin de non-recevoir à leur demande de naturalisation. Selon la sous-préfecture, Saïd et Zineb ne sachant ni lire ni écrire le français, ils ne peuvent « être assimilés à la communauté nationale ». En soi, cette justification n’est pas choquante. Le problème, c’est que Saïd a un parcours exemplaire et qu’il a sué sang et eau pour la France. Né à Bougie Ville en 1931, il arrive en métropole en 1951. Appelé sous le drapeau en 1956, il passe deux ans sur le front en Algérie dans la 1re compagnie du 5e Régiment d’infanterie. En 1961, il obtient sa carte d’identité française. Puis vient l’Indépendance. Saïd continue de vivre en France où Zineb le rejoint en 1964, mais devient Algérien. Il entre aux houillères du bassin Centre Midi, où il travaille pendant trente ans et dont il ressort avec deux médailles du travail. En 2010, le couple, qui ne veut plus quitter amis et enfants, décide de demander la nationalité française. Dans le cadre de cette demande, ils rencontrent une assistante sociale. « Rouge de honte, elle nous a demandés si nous avions des amis français, si nous cuisinions français, si on s’entendait bien avec nos belles-filles françaises », explique Zineb. À l’exposé de cette liste de questions, Saddek, lui-même infirmier à l’hôpital d’Alès, s’emporte : « On ne vit plus sous le régime de Vichy ! Si mon père n’est pas intégré, je ne sais pas ce que c’est l’intégration. » Pour le prouver, Saïd montre une photo de lui et de ses amis mineurs, après une partie de chasse. « C’est moi qui découpe les sangliers », annonce-t-il fièrement. Mais apparemment, ça ne suffit pas. À la sous-préfecture, on lui annonce qu’il doit savoir lire, écrire et chanter la Marseillaise. Alors que s’il n’a jamais appris à lire, « c’est parce que l’école n’était pas obligatoire en Algérie française ». Comble de l’outrage, on demande à cet ancien combattant de citer les trois couleurs du drapeau français. De quoi laisser un goût amer dans la bouche de Saïd. « Pour faire l’armée ou pour travailler dans les mines, j’étais bon. Pour être Français par contre, ça ne va plus. J’ai aidé à construire ce pays, mes enfants ont tous réussi, et voilà comment on me traite. » Saïd et Zineb ne désespèrent pas et entendent contester cette décision.
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