samedi 2 novembre 2013

La maison de retraite avait tenté de subtiliser la fortune d'un pensionnaire

Les pensionnaires fortunés qui finissent seuls leur vie dans une maison de retraite font parfois l’objet des attentions fort peu désintéressées du personnel censé veiller sur eux. Les époux Bengoechea, d’anciens commerçants de Mérignac, aujourd’hui retirés à Urrugne, au Pays basque, sont bien placés pour en parler. Seize ans auront été nécessaires pour que la justice déboute les propriétaires d’un établissement des Alpes-Maritimes qui revendiquait l’héritage que leur avait laissé leur ami, Edmond Duprat, un ancien quincaillier bordelais.
À l’issue d’un interminable marathon juridique, la cour d’appel de Montpellier a validé le legs de 110 000 euros dont ils avaient bénéficié en mai 1997. Trois semaines avant son décès, survenu au mois d’octobre de la même année, Edmond Duprat, alors âgé de 88 ans, s’était pourtant ravisé. Il avait désigné comme légataire universel la maison de retraite où il résidait depuis peu. « Il était à l’évidence sous influence », observe Me Lionel Marconi, l’avocat des époux Bengoechea.

En 1976, alors qu’il était encore en activité, Edmond Duprat avait cédé au couple un petit local à Mérignac. « J’y avais installé mon cabinet d’assurances. Nous sommes rapidement devenus amis, raconte Jacques Bengoechea. Edmond et sa femme habitaient en face de chez nous. Ils disaient souvent que nous étions les enfants qu’ils n’avaient pas eus. Ensuite, ils sont partis vivre à Nice, mais nous ne nous sommes jamais perdus de vue. En 1991, nous étions les seuls à l’accompagner à l’enterrement de son épouse. » En mai 1997, sentant sa fin proche, Edmond Duprat rédige un testament en faveur des époux Bengoechea. Le couple est institué légataire universel, à charge pour lui de respecter ses dernières volontés. L’octogénaire transforme alors ses titres en bons anonymes qu’il remet à ses amis. Mais, le 8 octobre, il change brutalement d’avis. Il donne son appartement niçois en viager à la gouvernante de la maison de retraite et abandonne ses avoirs à la société gestionnaire de l’établissement !
Désorientés, les époux Bengoechea s’apprêtent malgré tout à restituer les bons. Mais, sur les conseils de leur banquier, ils souhaitent obtenir d’Edmond Duprat une attestation, de façon à éviter tout ennui avec le fisc. Le vieillard décède sur ces entrefaites. Révoltés à l’idée que les dirigeants de la maison de retraite se partagent les biens de leur ami, les époux Bengoechea refusent alors de rendre les titres. Sans se douter qu’ils s’embarquent pour seize ans de galère judiciaire rythmés par le ballet des lettres recommandées. Assignation, garde à vue, comparution en correctionnelle… Rien ne leur sera épargné. Ils devront même hypothéquer leur maison pour régler les 120 000 euros de dommages-intérêts qu’ils seront condamnés à verser en 2009 à la maison de retraite.
« C’est la première fois qu’on avait affaire à la justice. Dans la vie, on dit qu’il faut tout essayer », ironise Jacques Bengoechea. Après l’intervention de la Cour de cassation, la cour d’appel de Montpellier a fini par remettre le droit à l’endroit. Le Code civil interdit aux médecins, officiers de santé et pharmaciens de recevoir les donations de personnes qu’ils ont soignées. Mais, au regard de l’arrêt qui vient d’être rendu, les dons effectués par l’interposition d’une personne morale tombent aussi sous le coup de la loi.
La maison de retraite bénéficiaire du legs appartenait au médecin qui suivait Edmond Duprat et à son épouse, infirmière au sein de la structure. « Il était anormal qu’on puisse biaiser de la sorte. Cette décision représente une première juridique, insiste Me Lionel Marconi, l’avocat des époux Bengoechea. Cela évitera à l’avenir que des personnes âgées se fassent éponger de la sorte. » En revanche, le couple ne récupérera pas le petit appartement de leur ami, soufflé par la gouvernante de la maison de retraite. Il est désormais trop tard pour intenter une action en justice.

http://www.sudouest.fr/2013/11/02/un-vieux-tres-interessant-1217482-4441.php

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