dimanche 2 décembre 2012

Ile de Ré : le Conseil général va payer près d'un million d'euros une maison pour la... détruire

C'est une maison blanche adossée à la dune des Grenettes. On y vient à pied ou en 4 × 4, on ne frappe pas, puisque ceux qui vivaient là ont tout fermé à clé. Étalonnée sur l'échelle immobilière de l'opulente île de Ré, cette petite bicoque de 1967 n'aurait guère ici plus d'allure qu'un appentis si elle n'offrait un accès direct à l'Océan. Ainsi se l'arrache-t-on depuis quelques jours à prix d'or comme à coups de recours devant les tribunaux.
Faisant jouer son droit de préemption sitôt prévenu de l'affaire, le Conseil général de Charente-Maritime n'aura en effet pas manqué de surprendre son monde en alignant rubis sur l'ongle acéré quelque 810 000 euros à la seule fin d'y envoyer ses bulldozers.

« Vous pouvez bien organiser la bronca, ça fait un demi-siècle que je me bats pour rendre à la nature ce que d'autres lui ont arraché de façon illicite ou dérogatoire », tonnait hier encore le conseiller général UMP du petit port de La Flotte-en-Ré. Chantre du rachat à tout prix, l'opiniâtre Léon Gendre ne s'est pourtant pas fait que des amis en s'affichant plus royaliste que le roi des écolos. Car si son Dominique Bussereau de président lui témoigne encore sa solidarité politique, trois collègues de la majorité départementale ont en revanche refusé de signer un chèque en blanc. À 350 fois le prix moyen du mètre carré non constructible, c'est peu dire que le petit peuple des contribuables maritimes s'est par ailleurs ému de l'onéreuse entreprise de démolition publique.
« Ce n'est pas une question d'argent, mais de reconquête et de mise en valeur des espaces naturels, bâtis ou non. Voilà trente-cinq ans que le Département mène la même politique, des rives de la Gironde à celles de la Sèvre, en passant par les îles de Ré et d'Oléron », s'est défendu voici quelques jours l'ancien ministre.
Se rêvant grand architecte d'un cordon dunaire vierge de tout logis hors la loi, Léon Gendre ne cesse pourtant de souffler sur le sable et les braises de son île. « La dune a trop longtemps été violée, ce n'est que le début de la reconquête. J'ai trois autres maisons dans le collimateur, alors dès qu'elles seront à vendre, on les rachète avec les 30 hectares qui vont avec ! »
Mais sauf à dépenser l'équivalent du PIB de toutes les mers du globe réunies, il est fort à parier que notre Don Quichotte insulaire aura bien du mal à fissurer le nouveau mur immobilier de l'Atlantique.
Foin de la démagogie fiscale de comptoir, écoutons-le pourtant jurer qu'il n'a d'autre choix que de dépenser le denier public : « Arrêtons de faire croire aux gens que nous gaspillons leurs impôts. Notre politique ne coûte pas l'ombre d'un centime au contribuable, puisque cet argent provient exclusivement de l'écotaxe que le Conseil général perçoit à chaque passage d'un automobiliste sur le pont de Ré. Et quand bien même nous voudrions le dépenser pour rénover une église ou équiper nos enfants d'ordinateurs, l'État nous l'interdirait aussitôt. »
S'il en est deux auxquels jamais un tel argument ne tirera la moindre larme, c'est bien ce couple de notaires parisiens rattrapé par la patrouille départementale alors qu'il signait, plein d'allégresse, le compromis d'achat de son « chez-lui » secondaire. Drapé dans son costume d'incorruptible, Dominique Bussereau n'a d'ailleurs pas manqué de raconter à l'envi comment il fut soudain assailli d'insistants coups de fil d'anciens ministres « de droite comme de gauche. » En vain. Les deux intrigants éconduits viennent en retour de saisir le tribunal administratif.
Moralité, tandis qu'ailleurs, en banlieue, l'État dynamite au compte-gouttes d'insalubres cages à lapins, il sait aussi détruire ici à grands frais les maisons des riches.

http://www.sudouest.fr/2012/12/01/sur-l-ile-de-re-les-elus-cassent-la-baraque-895419-710.php

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