vendredi 14 septembre 2012

Après le scandale du sang contaminé et de l’amiante, le scandale des boissons dans les stades

Cette fois, espérons que la justice sera rapide et que les coupables seront châtiés comme ils le méritent.

Le scandale des boissons dans les stades est une réalité cruelle depuis plusieurs années. Il relève du criminel en période de canicule. Je l’ai éprouvé cet été, précisément dimanche 19 août, à Marseille, pour le match OM-Sochaux (coup d’envoi 17 heures).
Je profite toujours de mes vacances dans la région pour aller voir jouer l’OM (mes fils sont de grands supporters). Nous nous retrouvons cette fois-ci dans la tribune Ganay. Elle est orientée plein sud, nous sommes exposés au soleil pendant deux heures. Les plus prévoyants ont un chapeau, mais tout le monde est bien vite complètement ensuqué, et totalement assoiffé. Le speaker du stade nous incite à nous hydrater, nous n’avions pas besoin de ses encouragements pour le faire.
Ou disons pour essayer de le faire. Car malheureusement nous nous heurtons au scandale des boissons dans les stades.
Ceux qui ne sont pas allés voir un match de foot dernièrement l’ignorent : il est interdit d’introduire des boissons dans l’enceinte du stade. Le prétexte est qu’une bouteille d’eau peut servir de projectile. La première étape de cette interdiction, apparue il y a une quinzaine d’années, consistait à confisquer le seul bouchon des bouteilles à l’entrée du stade. L’idée était probablement qu’une bouteille ouverte lancée depuis les tribunes serait quasiment vide en arrivant sur le terrain. Mais en quelques années la lutte contre l’insécurité a beaucoup progressé, et aujourd’hui dans de nombreux stades les bouteilles sont carrément interdites. Les spectateurs ingurgitent donc ce qu’ils peuvent à l’entrée, puis abandonnent leurs bouteilles dans des containers dont la taille dit l’ampleur du gaspillage commis.
Tous se rendent ensuite aux buvettes du stade. Mais puisque la doctrine est qu’une bouteille d’eau peut servir de projectile, le serveur vous donne votre boisson dans un verre (en plastique), dans lequel il a vidé la bouteille. Dans certains stades les buvettes s’aventurent jusqu’à délivrer des bouteilles (après avoir pris l’élémentaire précaution de leur enlever le bouchon), mais au vélodrome on ne commet pas pareille folie. Notons aussi qu’en Angleterre, des stades comme Stamford Bridge (Chelsea) ou l’Emirates Stadium (Arsenal) continuent à appliquer la mesure primitive de confiscation du bouchon. Une fois de plus s’agissant de football nous sommes bien en avance par rapport à nos amis anglais.
A cela plusieurs conséquences. Tout d’abord le temps mis pour servir un assoiffé. Donner une bouteille : 1 seconde. Vider entièrement une bouteille d’eau (50 cl) dans un verre : 8 secondes (moyenne calculée sur les 17 desséchés qui me précédaient). Pour une bouteille de coca : 14 secondes (ça mousse, il faut le faire en deux temps pour attendre que la mousse redescende). Résultat, en tenant compte du temps pour payer, le service est 5 fois plus lent (j’ai eu le temps de chronométrer les différentes phases de l’opération, vous pouvez me faire confiance).
33 départements sont en alerte canicule, mais pas le stade vélodrome. Les malheureux serveurs ne peuvent qu’obéir aux ordres (de la préfecture, précisent-ils), ils continuent à vider leurs bouteilles dans des verres en plastique mou devant une masse de supporters déshydratés. Il fait chaud, on est en plein soleil, les gens s’énervent, ils transpirent, le match va commencer, on se doute bien que certains craquent, et renoncent. Ils repartent sans boisson et devront affronter le désespoir de leurs enfants, ou de ce qu’il en reste.
Quant à ceux qui tiennent le coup jusqu’à être servis, je vous laisse imaginer les exploits d’équilibristes qu’il leur reste à accomplir pour traverser les gradins avec plusieurs verres dans les mains. Si par malheur un but est marqué à ce moment, non seulement ils l’auront loupé mais en plus dans l’euphorie générale leurs verres de coca vont gicler sur toute la tribune. J’ai échappé à ce drame, il s’en est fallu de quelques secondes, mais j’ai tout de même loupé le but de Gignac, trop concentré sur les trois verres que je ramenais pour abreuver ma famille à l’agonie.
Quelques mots tout de même pour dire en quoi tout cela est proprement scandaleux.
Avant tout la vraie raison de ce scandale : la bouteille d’eau, que chacun peut acheter au supermarché pour moins de 50 centimes, est vendue ici 2.50 euros. Marge : 400%. Par les temps qui courent, on comprend qu’une bonne gestion consiste à obliger tous les spectateurs à passer par la buvette.
Quitte à user pour cela d’un prétexte absurde. Car interdire aux spectateurs d’apporter leur propre boisson pour la raison qu’une bouteille peut servir de projectile est évidemment grotesque. Un joueur a récemment reçu un portable, lancé depuis les tribunes. Interdisons donc les portables ! Qu’un imbécile jette un jour une chaussure, et il faudra venir pieds nus. Rappelons que le stade vélodrome est en chantier, on y trouve des gravats. Mais on continue à interdire les bouteilles d’eau.
Tout cela nous rappelle le sketch de Gad Elmaleh évoquant la réaction des pouvoirs publics face aux menaces de bombes dans les TGV : les emplacements pour les bagages avaient été condamnés par de grandes bandes de scotch. Imaginant la manière dont avait été prise cette décision ridicule, Gad faisait dire au chef de la police : « Et s’ils insistent, on leur met du double face ! ». Dans notre cas j’imagine que la phase suivante est de vendre des sandwichs sans pain.


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