samedi 15 septembre 2012

Allemagne: scandale autour des transferts d'organes

L'affaire tétanise le monde médical allemand. Un chirurgien, identifié comme docteur Aiman O, est suspecté d'avoir manipulé les résultats de ses patients dans le but de leur obtenir des greffes plus rapidement : chargé des opérations, y compris celles réalisées par ses collègues, il est accusé d'avoir modifié les données médicales de ses malades afin de les rendre " prioritaires ".
A ce stade de l'enquête, rien n'indique encore si ces falsifications ont eu lieu en échange d'argent ou non. Les agissements ont eu lieu à Göttingen, en Basse-Saxe, ainsi qu'à l'hôpital de Ratisbonne, en Bavière, où il a travaillé entre 2003 et 2008.

Un manque de donneurs couplé à une crise de confiance

L'affaire tombe mal dans un pays où les donneurs sont relativement rares. Déjà, en 2010, la Fondation Allemande du Transfert d'Organes classait l'Allemagne 15e, sur 24 pays développés: le pourcentage de dons d'organes par habitant est loin derrière les chiffres constatés en Espagne, en France ou aux Etats-Unis. A Göttingen, trois familles ont refusé de donner les organes d'un proche "en raison des incidents", précise Günther Kirste, directeur de la Fondation.
Pourtant, à en croire certains experts, 7 Allemands sur 10 seraient prêts à faire don de leurs organes, en cas de mort accidentelle. Dans les faits, cependant, seul 1 sur 4 a fait les démarches nécessaires, d'après le centre fédéral d'information à la santé.
En Allemagne, à la différence de la majorité des pays européens, dont la France, le consentement des donneurs n'est pas implicite. "Or les différences culturelles n'expliquent pas, à elles seules, cette exception nationale", explique le docteur Kai-Uwe Eckardt, directeur du Centre des transplantations de la clinique de l'Université médicale d'Erlangen. "En Autriche, ajoute-t-il, il y a consentement implicite."
Beaucoup, outre-Rhin, semblent craindre un certain défaitisme médical, comme si les professionnels de santé s'abstenaient de tout mettre en oeuvre pour sauver la vie d'un malade, afin de prélever plus rapidement les organes du patient. Ainsi, la vie d'un autre patient serait sauvée, aux dépens du premier. "C'est une crainte compréhensible, poursuit le docteur Kai-Uwe Eckardt. Mais elle est infondée. Afin de mieux la dissiper, il faut pouvoir en discuter ouvertement". En attendant, toutes les 8 heures, une personne décède en Allemagne, dans l'attente d'une greffe.

Le système des dons d'organes est en pleine réforme

Problème: ce scandale intervient au plus mauvais moment, alors que le système des dons d'organes est en pleine réforme. De nouvelles lois destinées à faciliter les dons et à assurer une protection sociale optimale aux donneurs de reins sont entrées en vigueur le 1er juin, et un deuxième volet de modifications législatives doit prendre effet le 1er novembre. A cette date, l'ensemble de la population sera régulièrement informée sur la situation des dons d'organe dans le pays et il sera demandé à chacun d'indiquer par écrit sa position sur le sujet.
Sur une question aussi sensible, le débat, comme il se doit, dépasse les clivages politiques traditionnels. "Aucune majorité n'a été trouvée au Parlement pour changer le principe général", souligne le professeur Eckardt. Le consentement du don de ses organes reste donc explicite, du moins pour le moment, ce qui limite les possibilités de transplantations. Le ministre de la Santé, Daniel Bahr (FDP), a indiqué que les contrôles seraient désormais renforcés dans les hôpitaux. Mais la loi ne devrait pas être modifiée.
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