dimanche 8 janvier 2012

Prothèses défectueuses : comment PIP a caché le scandale

Sans regret, et sûr de la qualité de ses produits : c'est ainsi qu'est apparu Jean-Claude Mas, fondateur de la société varoise PIP, devant les enquêteurs qui l'interrogeaient sur le scandale des prothèses mammaires défectueuses produites par son entreprise. Ses déclarations telles qu'elles apparaissent dans un procès verbal dressé par les gendarmes en novembre 2010 (procès verbal révélé jeudi soir par TF1) dessinent le portrait d'un homme qui refuse la critique, règne en maître omnipotent sur son entreprise et ne manifeste aucune compassion pour ses victimes.

Premier point révélé par TF1 : Jean-Claude Mas a admis avoir utilisé un gel non conforme et sciemment déjoué les contrôles sans y voir de problème puisque, selon lui, il n'y avait pas de risque. "Cette formule est parfaite, elle est meilleure que celle utilisée pour fabriquer le gel homologue", argumentait-il face aux enquêteurs. "Par habitude, depuis 1997 nous cachions les produits utilisés pour fabriquer le gel PIP. Je n'avais pas le droit d'acheter ces produits car ils n'étaient pas homologués. Tout était organisé pour échapper aux contrôles". Autre aspect, souligné par ses employés : ils ont reconnu devant les gendarmes que le processus de fabrication était oral et jamais écrit et que tout le monde supposait qu'il y avait irrégularité. Après ces libertés prises avec toutes les procédures, comment réagit le fondateur de PIP face à l'inquiétude des porteuses des implants mammaires fabriqués par son groupe ? Il écarte simplement leurs arguments : "Il s'agit de personnes fragiles ou de personnes qui font ça pour le fric".

Du gel à 35 euros remplacé par du gel à 5 euros

Il n'est pourtant pas si simple de déjouer les contrôles et pour cela, Jean-Claude Mas avait mis au point au fil des ans tout un système de dissimulation, selon ses déclarations aux enquêteurs. Le fondateur de PIP a ainsi expliqué que "dès 1993", deux ans seulement après la création de sa société, il avait "donné l'ordre de dissimuler la vérité" à l'organisme certificateur allemand Tüv, bien avant la mise sur le marché des implants aujourd'hui incriminés. Et c'est une autre personne interrogée par les enquêteurs, Thierry Brinon, directeur technique arrivé chez PIP en 2006 via une petite annonce, qui a donné les détails de la manoeuvre.

Pour ces fameux implants mammaires, la fraude commence donc "dès 2001", quand le silicone est réautorisé en France pour les prothèses mammaires, selon Thierry Brinon. Au bout de sa période d'essai de six mois, on lui aurait expliqué que le gel principalement utilisé était de fabrication "maison" et non pas le gel américain Nusil déclaré à Tüv. Jean-Claude Mas a précisé aux gendarmes que 75% des implants étaient remplis de gel PIP, 25% seulement avec du Nusil. "L'unique motivation" de la fraude étant d'"augmenter sensiblement la rentabilité de l'entreprise", explique Thierry Brinon: ainsi en 2009, le prix du gel PIP était de 5 euros par litre, contre 35 euros pour le Nusil, soit une différence de 10 euros par implant et un gain d'un million d'euros par an pour une production de 100.000 prothèses. Gain partiellement englouti dans des procès en Angleterre et aux Etats-Unis.

Le directeur financier Claude Couty, entendu également, confirme : "le prix d'achat du Nusil était largement supérieur à celui du gel Brenntag", un des fournisseurs de composants du gel PIP. "Les commandes chez Nusil étaient souvent de 100.000 euros alors que celles de Brenntag étaient comprises entre 10.000 et 30.000 euros". Comment les contrôles ont-ils été déjoués, pendant si longtemps ?, s'étonnent les enquêteurs. "Tüv annonce sa visite dix jours avant... C'était de la routine, je donne l'ordre de dissimuler tous les documents ayant trait au gel PIP non homologué, et concernant les containers, les employés se débrouillaient pour les faire disparaître", explique Jean-Claude Mas. PIP avise Tüv des modifications de packaging par exemple. Mais pas de celles concernant le gel, "vu qu'il n'existe pas..." Pour Thierry Brinon, "tant que ces organismes inspecteront avec préavis systématique, toute déviance industrielle pourra être cachée".

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