samedi 26 février 2011

Ces salariés à la retraite contre leur gré

A 63 ans, Jean-Luc Lehocq a encore l'énergie d'un jeune homme. Le combat qu'il mène depuis quatre ans contre son ancien employeur n'a atteint ni son moral, ni sa vitalité. « Je me suis battu toute ma vie. Et même si ce doit être contre un mastodonte comme EDF, ça ne me fait pas peur ! » En avril 2007, ce conseiller juridique à RTE (Réseau de transport d'électricité), une filiale d'EDF, apprend qu'il va être mis en retraite d'office, son soixantième anniversaire approchant. La direction s'appuie sur un décret de 1954, aujourd'hui abrogé, qui autorise les entreprises dites « à statut », comme EDF, à mettre en inactivité les salariés à partir de 55 ou 60 ans sans leur consentement. « Ce décret, c'était du pain bénit pour EDF ! Cela permettait de se débarrasser des seniors à moindres frais. Dans un pays où les entreprises préfèrent avoir à faire à des salariés jeunes, moins payés et plus malléables, que rêver de mieux ? » Mais cet habitant de Martignas-sur-Jalle, en Gironde, demande à rester en poste. « Il faut ouvrir les yeux, la société d'aujourd'hui n'est plus celle des années 1950 ! A 60 ans, j'avais encore deux enfants à charge et un emprunt à rembourser. Dans ces conditions, passer de 4.200 € par mois à 2.300 €, ça complique les choses... » « Mon objectif : retourner travailler » RTE restant sourde à ses demandes, le sexagénaire décide de s'en remettre à la justice. Les déconvenues s'accumulent alors : les prud'hommes lui donnent tort, de même que la cour d'appel de Bordeaux, en octobre 2009. « Je n'ai pas baissé les bras, je savais que je finirais par gagner », poursuit le retraité avec aplomb. L'acharnement a payé : le 16 février dernier, la Cour de cassation lui donne raison. « Elle s'est appuyée sur une directive européenne de 2000 qui condamne les discriminations au travail, notamment liées à l'âge », explique son avocat, Me Michel Gravé. « Cette décision va faire jurisprudence et des milliers de salariés mis à la porte contre leur gré vont pouvoir porter plainte », se réjouit Jean-Luc Lehocq. Une cinquantaine de retraités de RTE, dans la même situation, l'ont déjà contacté depuis. Reste une ultime étape : le renvoi de son dossier devant la cour d'appel de Toulouse. L'ex-salarié se montre confiant : « Je vais demander des indemnités, bien sûr, mais surtout ma réintégration dans l'entreprise, car je n'ai pas perdu du vue mon objectif : retourner travailler ! » Les "clauses couperets" interdites depuis 2000 1954. Plusieurs décrets permettent aux « entreprises publiques à statut » (SNCF, RATP, EDF, Air France…) de mettre à la retraite leurs salariés sans leur consentement à partir de 55 ou 60 ans, selon la pénibilité du travail. On les appelle les « clauses couperets ». 2000. Une directive européenne interdit les discriminations au travail, notamment liées à l’âge. Il devient désormais illégal de mettre prématurément un salarié à la retraite, même si les décrets de 1954 existent toujours. 2008. La France abroge les textes de 1954. L’employeur ne peut plus imposer le départ à ses salariés en raison de leur âge. 2009. Pour la première fois, une cour d’appel donne raison à un salarié mis à la retraite d’office en 2005, à 55 ans, par la SNCF. 2010. Depuis le 1er janvier 2010, l’âge de la mise à la retraite d’office est fixé à 70 ans. Avant cet âge, la liquidation de la retraite relève du seul choix du salarié http://www.francesoir.fr/actualite/societe/ces-salaries-retraite-contre-leur-gre-76269.html

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