jeudi 6 mars 2014

Aux urgences après avoir fait une couleur

Si elle ne sortait pas d’un marathon médical, Joëlle rirait de bon cœur de la pub Internet valorisant ce produit de coloration pour cheveux. Elle a été conduite aux urgences par ambulance samedi après un malaise consécutif à une réaction allergique déclenchée la veille. Autres symptômes : brûlures de la peau de la nuque et du cuir chevelu, gonflement du cuir chevelu, des pommettes et des oreilles, perte d’audition, souffrance intense, démangeaisons. Et chute de tension. Bilan : une semaine d’arrêt de travail. « Un vrai cauchemar. »
Joëlle avait pourtant choisi un produit dit « naturel », recommandé par sa coiffeuse en qui elle a toute confiance. « Elle m’a dit que cette nouvelle gamme était destinée aux personnes sensibles. » Quarante-cinq minutes de pause. Et, deux heures plus tard, les premières démangeaisons, allant crescendo. Le soulagement n’est venu qu’avec une piqûre de 60 mg de cortisone reçue aux urgences de l’hôpital de Belfort vers 11 h, le lendemain.
Les ingrédients « naturels », garantis bio, de cette « couleur » : on en mangerait. Images idylliques sur Internet de « cire d’abeille naturelle », baies de goji, pépins de raisin, baies d’açai, aloé vera, cranberry, et aussi écorce de frêne, tapioca, bourgeons de vigne rouge, huile de sésame, essence bio de camomille, auxquels s’ajoute de « l’ectoïne naturelle », « connue pour ses propriétés traitantes et protectrices ». « Je suis allergique au géranium et au bleuet, mais pas à ce qui est cité » commente Joëlle, désormais effrayée par l’idée d’une couleur. Argument de la marque, réputée pour son sérieux par ailleurs : « Zéro ammoniaque, zéro parfum, zéro silicone, zéro parabène, zéro dérivé de formaldéhyde, etc ».

Test d’allergie

Contacté par ses soins, le service clients s’étonne. Le produit, sur le marché depuis cinq ans, « vient d’être reformulé », sans retour connu semble-t-il. On reproche à la Belfortaine de ne pas avoir fait le test d’allergie. « Avez-vous déjà vu une coiffeuse faire un test de couleur et vous dire de revenir le lendemain ? » interroge Joëlle, qui fait des couleurs depuis vingt ans, mais se tourne vers le « naturel » depuis dix ans à la suite d’une réaction à l’ammoniaque. En fait, la présentation marketing du produit laisse penser à une coloration naturelle, alors qu’elle contient encore 10 % de substances non citées dans la pub, ingrédients de synthèse notamment.
Le 10 février, Ghizlane Hani, de Bethoncourt, faisait le récit d’un cauchemar identique à celui de Joëlle, avec déformation faciale plus impressionnante encore, suite à une coloration cheveux faite à domicile. Le produit incriminé, destiné à la vente en grande surface, provenait du même fabricant.
À ce jour, toutes les teintures classiques vendues en grande surface contiennent de la résorcine, ingrédient cosmétique agissant comme révélateur, reconnu sensibilisant, et possible perturbateur endocrinien. On en trouve dans la composition des plastiques et caoutchouc synthétiques… À éviter, le toluène, le PPD, le formaldéhyde, et cinq autres substances, cancérigènes, allergisantes, voire mutagènes, comme le p-aminophénol. Il est donc nécessaire de lire les étiquettes.
Joëlle, de son côté, s’est lancée dans une quête d’information pour comprendre à quel ingrédient elle a réagi. Le fabricant de la coloration capillaire lui a envoyé un questionnaire de « cosmétovigilance ». Il aboutira à une consultation chez un allergologue.

http://www.estrepublicain.fr/loisirs/2014/03/06/aux-urgences-apres-avoir-fait-une-couleur

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