dimanche 13 juillet 2014

Rivesaltes : expulsés de la gare après toute une vie de cheminot

Locataire et acquéreur de la maison de l'ancien chef de gare, son dernier poste à la SNCF avant la retraite, Ange est mis en demeure de quitter les lieux. Motif Invoqué ? Des travaux risqueraient l'effondrement du quai.
Que c'est triste un train qui siffle dans le soir… Michèle écrase une larme. Richard Anthony et sa chanson triste n'y sont pour rien. Femme de cheminot, elle rythme son quotidien au tempo du rail où son mari a réalisé l'entier de sa carrière. Toute une vie à la SNCF pour finir, "poussé dehors", comme il dit, Ange. Retour sur 2012. Auparavant chef de poste en gare de Rivesaltes, un emploi supprimé, Ange Garcia est muté "dans les bureaux", à Perpignan. "J'avais démarré en 1976 et avec les nouvelles technologies et tout le reste, ils ne savaient plus que faire de moi. Alors, je suis parti. A 56 ans", regrette-t-il aujourd'hui.

La retraite se transforme en cauchemar. Locataire depuis 1999 de la petite maison bâtie dans les années 1910 sur le quai de la cité de Joffre et du Babau, le couple reçoit un courrier du bailleur. Une filiale de la SNCF en charge du logement des salariés. Celle-là même qui leur avait remis les clés du pavillon, treize ans plus tôt. "C'était une habitation délabrée. Il n'y avait pas de chauffage ni de volets, rien, on a tout refait", rappelle Ange. La lettre leur annonce qu'en raison de sa cessation d'activité, le bail devient caduc.
Or, "en 2011, on avait adressé une demande d'achat au gestionnaire du patrimoine immobilier de la SNCF à Limoges et la transaction était en bonne voie", explique le sexagénaire. Qui en oublie presque l'injonction. Dans la foulée, d'ailleurs, France Domaine, organisme dédié aux ventes de l'Etat, expertise les lieux et fixe un prix. De l'ordre de 40 000 €. "On était heureux. On allait pouvoir continuer à vivre avec les trains", enchaîne Michèle.
  • Ni à vendre ni à louer
Echanges de mails, visite d'une responsable de Limoges, les mois s'écoulent jusqu'en décembre 2013. "Ils nous ont laissé poireauter pour ensuite nous briser. C'est dégueulasse", reprend Ange, exhibant le document en cause. Il mentionne le rejet de la cession. Motif ? "Notre demeure était, paraît-il, classée emplacement réservé dans le cadre du projet de la nouvelle ligne ferroviaire".
Les époux Garcia filent vérifier à la mairie de Rivesaltes. "On nous a répondu que c'était faux". Ils relancent donc la direction de Limoges qui rejette la deuxième requête. Cette fois, la raison invoquée diffère. "C'était par peur de travaux. Si on en faisait dans le jardin, on risquait de faire écrouler le quai…". L'affaire se corse. Ange Garcia tente une autre option. Continuer à louer. 520 € mensuel. Il ne peut pas payer davantage avec une retraite à 5 000 € par trimestre plus un petit job d'appoint dégoté dans le transport scolaire. La SNCF oppose un troisième non catégorique. Une mise en demeure à l'appui. Avoir quitté le domicile au 30 septembre 2014.
  • A la rue à 60 ans
"Ils veulent faire comme dans les autres gares. Nous expulser pour murer la maison et la laisser à l'abandon, squattée. Leur immobilier, ils appellent ça des biens inutiles", dénonce l'ancien employé, bras ballants. Soutenu par Michèle, il a écrit au PDG de la SNCF, au président de la République, aux syndicats des cheminots. En vain. "Dans 2 mois, on sera chassé. A la rue. Mais je crois qu'on ne partira pas, quitte à faire une connerie. On n'a plus rien à perdre", menace le couple.
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