mardi 8 avril 2014

Pourquoi la route la plus chère de France les fait crier au scandale

La route la plus chère de France est réunionnaise... Ou plutôt le sera. Le confetti français au milieu de l’océan Indien va signer un chèque de 1,66 milliard d’euros pour s’offrir une nouvelle route du littoral (NRL) de… 12 kilomètres! A 133 millions d’euros le kilomètre, c’est du jamais-vu. Ce projet pharaonique d'un axe routier de deux fois trois voies en pleine mer est une prouesse technique mondiale. Sept ans de travaux titanesques seront nécessaires pour planter cette autoroute sur pilotis, supportant cyclones à 150 kilomètres-heure et vagues de 10 mètres. "Une nécessité absolue", justifie Didier Robert, le président de la région Réunion, qui a commandité l’ouvrage.

"Duopole" Bouygues-Vinci

L’actuelle route qui relie le chef-lieu de La Réunion, Saint-Denis, au centre névralgique du port, au pied des falaises volcaniques de l’île et au bord de l’eau, subit régulièrement les éboulements de gros "galets" et les assauts des vagues. "Nous sommes obligés de fermer des voies trente à quarante jours par an, ce qui provoque de gros problèmes de circulation", poursuit l’élu UMP. L’économiste local Philippe Jean-Pierre s’enthousiasme : "La nouvelle route du littoral fera enfin entrer La Réunion dans le XXIe siècle!"
Un enthousiasme que ne partage pas Pierre Berger, le patron d’Eiffage, exaspéré. Car de cet énorme gâteau pour géants du BTP, le numéro trois français n’a eu que quelques miettes. Un petit viaduc à 37 millions d’euros. L’essentiel (1,2 milliard) a été attribué à Bouygues et Vinci réunis pour l’occasion. "Je n’avais jamais vu ça en vingt ans!" assure le candidat déçu. Qui a décidé d’attaquer la décision du conseil régional de La Réunion au tribunal. Pour concurrence déloyale.
Vinci et Bouygues, regroupés, tiennent tout : les carrières, le matériel, les hommes… Dans ses conclusions, l’avocat d’Eiffage, Yann Aguila, du cabinet Bredin Prat, accuse : "Le contexte économique et concurrentiel de La Réunion est marqué par l’existence d’un duopole des groupes Bouygues et Vinci sur les marchés des travaux publics." Et ajoute qu’après l’attribution des lots de la NRL la situation devient intenable : "Ils disposent d’une part de marché de 75%."

Eiffage pénalisé

François Payet, architecte activiste au sein de l’association Alternative Transport Réunion, n’en pense pas moins : "Alors qu’ils se font une concurrence féroce partout dans le monde sur des projets aussi complexes, pourquoi diable Bouygues et Vinci ont-ils préféré s’allier?" Dominique Fournel, chargé de la NRL au conseil régional, le reconnaît lui-même : "C’est vrai qu’Eiffage s’est trouvé pénalisé sur les conditions d’accès aux matériaux." La petite major a même dû imaginer un approvisionnement dans la péninsule arabique, tant les tarifs locaux se révélaient prohibitifs.
 

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