jeudi 1 juillet 2010

Pédophilie, proxénétisme : la basilique au cœur du dossier

SAINT-QUENTIN (Aisne). Le parquet en est certain : les parents, dans la misère noire, ont livré en pâture leur petite fille à un dévot pédophile très aisé. Le pacte diabolique s’est fait sur le perron de la maison de Dieu. Le calvaire de l’enfant aura duré trois ans.

ILS habitent au sein du quartier Europe, dans l'une de ces grandes tours construites dans les années soixante. Michel a 48 ans, Catherine, 49 ans, la vie ne les a pas gâtés. Ils ne travaillent ni l'un ni l'autre.
De leur relation vont naître au moins trois enfants, deux garçons et une fille, qui seront placés dans un foyer, en mai 2009, en raison de violences récurrentes et d'alcoolisme chronique du père.
Un éloignement qui permet a l'un des trois enfants de cicatriser enfin ses plaies et de s'ouvrir auprès d'un éducateur. Ce que Marion* raconte fait froid dans le dos. Ses parents l'auraient livrée à un pervers sexuel de manière régulière pendant de longs mois : trois ans en tout.
Immédiatement, un signalement est fait et la machine judiciaire se met en marche. Un mois après les révélations de la petite, parents et agresseur présumé sont placés en garde à vue avant d'être relâchés en attendant les expertises psychiatriques qui arriveront quinze jours plus tard sur le bureau du substitut du procureur. Les convocations en justice sont délivrées. Les parents vont devoir répondre, cet après-midi, de proxénétisme aggravé, de complicités d'agressions sexuelles et d'abandon moral de mineur. Pour le pervers, le chef d'accusation est « agressions sexuelles ».
Le bedeau, pédophile à ses heures
Comment des parents ont-ils pu être amenés à prostituer leur propre enfant ? Pour tenter de trouver un élément de réponse, il faut remonter en 2006. Michel et Catherine traversent alors une très mauvaise passe financière. Pour survivre, ils vont faire ce qu'ils font généralement lorsqu'ils n'ont pas d'argent : ils mendient, sous la protection de Dieu, au pied de la basilique, à la sortie de la messe. « Ça rapporte bien, très bien même », lâche une personne gravitant dans l'entourage du couple.
Au cours de ces heures d'aumône, ils sympathisent avec le bedeau des lieux, André. Un dévot de 67 ans, qui s'occupe bénévolement de l'intendance de la basilique. Il est d'un milieu très aisé. Il va proposer de l'argent au couple dans la détresse, en échange, il souhaite disposer d'un petit moment d'intimité avec leur fille.
« Dans ce dossier, c'est incontestablement la misère matérielle, intellectuelle et morale qui domine. » Me Vignon est l'avocat de la petite Marion*, 13 ans et demi. « Des gens très pauvres présentant des retards intellectuels certains et qui, à cause des problèmes personnels rencontrés, ont eu un sens moral délité. Ils ont été éblouis par l'argent. »
André est-il un prédateur froid et calculateur ? « C'est un homme à la personnalité particulière. On pourrait dire qu'il est devenu vieux avant d'être adulte », ajoute, énigmatique, Me Vignon. Célibataire endurci, aucun enfant connu, André est un laïc très proche de l'Église qui donne l'image d'un solitaire, d'un homme timide, introverti et immature. Un homme qui n'aurait jamais véritablement travaillé de sa vie : « Il est rentier, c'est tout », lâche l'une de ses connaissances. Un notable saint-quentinois connu et respecté de la bourgeoisie locale.
Dans l'enceinte de l'église
C'est indéniablement autour de lui que les débats vont se concentrer cet après-midi. Cet homme de 71 ans était, jusqu'à aujourd'hui, inconnu de la justice pour ses déviances sexuelles graves. On peut légitimement se demander si Marion a été sa première victime. L'enquête préliminaire, qui aura duré un mois, n'a pas révélé d'autres victimes.
Sur Marion, alors que la jeune fille avait entre 9 et 11 ans, il a commis des agressions sexuelles multiples, à intervalles réguliers, durant près de trois ans. Les premiers rendez-vous se sont déroulés au domicile des parents, en présence de la mère ; ensuite, à huis clos, au domicile du bedeau. Il a commis des atteintes sexuelles, des attouchements au sein même des bâtiments de l'église. « Il n'y a jamais eu de viol. » Le calvaire de la petite Marion a pris fin lorsqu'elle a été placée en foyer. « Il y a là une carence grave et inadmissible des services sociaux. Les parents ont reçu, à de multiples reprises, des assistantes sociales. Il suffisait de 30 secondes d'entretien pour comprendre qu'ils ne pouvaient élever correctement leurs enfants : ils ont un problème criant d'hygiène », dénonce l'un de leurs proches.
L'expertise psychiatrique sur le septuagénaire n'a révélé aucune pathologie. Il est, comme les deux parents, accessible à une sanction pénale. « On ne crie pas vengeance. L'enfant souhaite qu'il y ait une réponse pénale à ce qu'elle a vécu », ajoute pudiquement Me Vignon. La petite sera-t-elle entendue par les juges saint-quentinois ? Verdict ce soir.
http://www.lunion.presse.fr/article/region/pedophilie-proxenetisme-la-basilique-au-coeur-du-dossier

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