Sous l’effet d’un chantage implicite les 1150 salariés de GM Strasbourg ont accepté une dégradation de leurs conditions de travail pour, au moins, conserver un emploi. Ces dix dernières années, de nombreuses entreprises françaises ont connu une telle évolution suivant le même schéma. Difficultés économiques, menace de délocalisation par la direction puis résignation des salariés à une détérioration de leurs conditions de travail. Un autre point commun ? Des licenciements réguliers conduisant à une réduction d’effectifs constante et une pression exponentielle sur la productivité. Rapide tour d’horizon des « cas » les plus représentatifs ces dix dernières années en France.
1. Bosch à Vénissieux (Rhône)
En juillet 2004 la direction menace d’une délocalisation de l’activité en République tchèque. L’équipementier automobile « propose » alors un passage de 35 à 36 heures hebdomadaires pour la même rémunération accompagnée d’une suppression de six jours de RTT annuelle. Très vite, il faut ajouter à ces clauses l'exclusion du 13e mois dans le calcul des congés payés, le gel des salaires et de l'intéressement pendant trois ans, la suppression du pont de l'Ascension et une baisse drastique de la subvention au comité d'entreprise. Cela équivaut alors à une baisse de 12 % des coûts salariaux et une augmentation notable du temps de travail. L’année 2004 et le cas Bosch à Vénissieux marqueront l’émergence de ce qu’on appelle depuis le « chantage à l’emploi ». Aujourd’hui l’usine de Vénissieux est composée de 620 salariés. Elle risque la fermeture car sa production ne répond plus aux normes européennes et les investissements se font attendre.
2. Delphi à Donchery (Ardennes)
En 2007 le fabricant de pièces détachées pour automobiles évoque une probable délocalisation en Pologne aux dépens de nombreux emplois sur le site français. Un vote en deux temps est organisé. En bref, la direction propose soit un renoncement aux RTT et un gel des salaires sur trois ans, soit la suppression de dix des quinze jours de repos contre une hausse de salaire de 1,6 %. Mais les salariés rejettent à 70 % toute modification des 35 heures. Cette décision sans appel constitue une désillusion pour le groupe américain. Après l’annonce de la suppression de 60 nouveaux emplois par Delphy début 2010, la CGT Donchery s’estime « au début d’une nouvelle épreuve ». La direction défend ces licenciements comme la seule alternative à la délocalisation.
3. Continental à Clairoix (Oise)
En septembre 2007 le fabricant de pneumatiques force un passage de 35 à 40 heures de travail hebdomadaire pour les salariés. Selon le groupe allemand cette condition est l’unique solution viable, garantissant la pérennité du l’usine jusqu’en 2012 au moins. Mais en 2009 les « Conti » sont victimes d’une véritable trahison qui reste aujourd’hui un symbole fort du chantage à l’emploi. Le groupe allemand annonce à la surprise générale la fermeture du site au mois de mars 2009, soit moins de deux ans seulement après l’accord sur les 40 heures. Acceptant de revenir sur leurs conditions de travail deux ans plus tôt syndicats et salariés se trouvent trompés par les promesses de la direction qui garantissait un maintien de l’activité jusqu’au dernier moment. En mars 2010, suite aux licenciements massifs, la direction va jusqu’à proposer d’employer les anciens salariés pour 137 euros en Tunisie !
4. Goodyear à Amiens (Somme)
Le 26 mai 2009 le groupe Dunlop-Goodyear annonce sous prétexte de la « crise » une suppression de 820 emplois - sur un total de 1400 salariés - de l’usine de pneumatiques d’Amiens Nord. Au mois de juin, la CGT, syndicat majoritaire, refuse le passage des trois fois huit aux quatre fois huit, équivalent à 53,5 heures de travail supplémentaires par an. Cependant le Tribunal de grande instance de Nanterre suspend le plan de restructuration. La justice souligne les bénéfices très importants engendrés par le groupe Goodyear France. En janvier 2010, la Cour d’appel de Versailles confirme la suspension du plan de restructuration en s’appuyant, toujours, sur l’indécence d’un plan social compte tenu des profits de la société. Mais aujourd’hui, la direction prévoit un plan de départs volontaires qu’elle juge « avantageux ». Par ailleurs l’avenir de 578 salariés dépend d’un plausible développement de l’activité pneus agricoles sur le site amiénois. Un avenir qui reste donc incertain.
5. Caterpillar à Grenoble (Isère)
Le 17 février 2009 le groupe américain pose sur la table un plan de réorganisation prévoyant la suppression de 733 emplois - la direction parlait plus tôt de 600 emplois - pour régler le problème du « sureffectif ». Décision qui intervient en même temps que la présentation des résultats annuels du groupe où Caterpillar vante un chiffre d’affaires en hausse de 14 % et 2,8 milliards de profit net. Les salariés de Grenoble et Echirolles subissent d’autre part un chômage partiel depuis des semaines. Pendant une longue période, l’intersyndicale CGT-CFDT-FO-CFTC dénonce une absence de négociations avec la direction. Finalement, au terme de négociations entre syndicats et dirigeants, les salariés doivent choisir - par l’intermédiaire d’un référendum - entre un plan de suppression de 733 emplois avec maintien des horaires actuels et un plan correspondant à 600 emplois supprimés avec passage du temps de travail de 36,5 à 37,5 heures hebdomadaires accompagnés de 15 samedis travaillés par an et la mise à disposition intégrale des 15 jours annuels de RTT que la direction sera libre de fixer de façon collective par secteur. Les salariés refusent alors majoritairement le deuxième plan. Puis, lors d’un énième rebondissement la direction revient à 600 suppressions d’emplois.
http://www.humanite.fr/22_07_2010-chantage-%C3%A0-l%E2%80%99emploi-retour-sur-cinq-scandales-450232
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