jeudi 8 juillet 2010

Ce que cache encore l'affaire des cigares de Christian Blanc

Entre l'ancien secrétaire d'Etat au Grand Paris et son ancien chef de cabinet, l'heure est au grand déballage. Une bataille d'arguments qui illustre l'incroyable laisser-aller des cabinets ministériels et l'urgence d'une réforme.

Christian Blanc parti, le gouvernement n'en a peut-être pas fini avec l'affaire des cigares. Blessé dans son honneur, l'ancien secrétaire d'Etat au Grand Paris espère encore prouver sa bonne foi. Il continue d'accuser Guillaume Jublot, son ancien chef de cabinet, d'être à l'origine de tous ses malheurs et porte ses espoirs dans l'audit qu'il a diligenté début juin. Le document a été remis à l'inspection générale de l'administration chargée de mener l'enquête sur d'éventuels dysfonctionnements. L'Express a pu en partie le consulter. Il apporte au moins trois éléments complémentaires à la défense de l'ancien secrétaire d'Etat
Sur les 932 cigares achetés par le secrétariat d'Etat entre le 1er septembre 2009 et le 27 mai 2010, l'audit indique que 500 havanes ne correspondant pas à la consommation réelle du ministre auraient été dérobés ; 2/ Guillaume Jublot s'est octroyé une confortable prime d'Indemnité de sujétion particulière (ISP) de 25.120 euros en 2009, soit le montant le plus élevé de tout le cabinet - avec celui perçu par son supérieur hiérarchique, le directeur de cabinet Marc Véron ; 3/ En mars 2010, il a touché 17.386,60 euros pour 55 jours de congés non pris au cours des exercices 2008 et 2009 à la faveur d'une attestation frauduleuse.

Car Guillaume Jublot a non seulement signé lui-même cette déclaration en lieu et place du directeur de cabinet qui en avait le pouvoir (voir le fac-similé ci-contre), mais le règlement ne lui permettait de toute façon pas de remonter à l'exercice 2008. En outre, L'Express est en mesure de révéler que Guillaume Jublot assistait au séminaire des grands maîtres provinciaux de la Grande loge nationale française (GLNF), qui s'est tenue en Martinique du 25 au 31 mai 2009, à une période où il était censé travailler à Paris
Piqué au vif, l'intéressé ne dément nullement. Mais contre-attaque. "J'y suis allé pour le compte du ministre, assure-t-il. J'actionnais mes réseaux maçonniques en vue du passage de la loi sur le Grand Paris au Parlement." Proche de l'ancien grand-maître de la GLNF François Stifani, l'ancien chef de cabinet affirme également avoir reçu pour mission du ministre "de faire en sorte que François Stifani ne soit plus l'avocat du frère de madame Blanc, patron d'un laboratoire de prothèse mammaire situé à Sophia-Antipolis, ce que j'ai finalement obtenu."

Convoqué ce mardi pendant deux heures par Pierre Duffé, chef de l'Inspection générale de l'administration, et son adjoint, Guillaume Jublot a détaillé les étranges pratiques du secrétariat d'Etat, pièces à l'appui. De ce grand déballage, il ressort une gestion hasardeuse des congés payés, le versement de primes à la tête du client, sans contrôle ou justification... Voire d'étranges dépenses, comme ces "bouteilles de champagne Dom Pérignon" que Guillaume Jublot dit avoir fait livrer à un commissaire de police de Paris "pour le remercier d'avoir fait sauter la quarantaine de PV accumulés par madame Blanc pour mauvais stationnement et enlèvements de voiture". Une affirmation qui fait s'étrangler de rage l'ancien secrétaire d'Etat Christian Blanc: "Il est complètement fou! Je n'ai jamais demandé que l'on puisse supprimer une contravention me concernant ou concernant l'un de mes proches. Tout cela est misérable."

Des primes attribuées par enveloppe globale

Ces nouvelles révélations jettent une lumière crue sur les dysfonctionnements internes au secrétariat d'Etat mais, plus largement, de l'appareil administratif gouvernemental tout entier. Le secrétariat d'Etat de Christian Blanc étant placé sous la tutelle du Premier ministre depuis juin 2009, c'est la direction des services administratifs et financiers (DSAF) de Matignon qui a validé et payé l'ensemble des dépenses, dont les fameux 12 000 euros de cigares... sans que cela ne fasse apparemment frémir personne !

Le mécanisme d'attribution des primes dans les cabinets ministériels se révèle encore plus étonnant. Chaque année, les services du Premier ministre déterminent une enveloppe globale par ministère (en 2009 : 7,2 millions euros pour Matignon ; 1,3 million d'euros pour le ministère de l'Ecologie ; 285 480 euros pour l'équipe de Christian Blanc...) Charge, ensuite, aux chefs de cabinet des ministères de les répartir. "Ils n'ont de compte à rendre à personne et il n'existe aucun plafond par fonction", confie un fonctionnaire ministériel parfaitement au fait de ces procédures, qui poursuit: "Dans la plupart des cas, le ministre n'est pas au courant des montants. Cela dit, une prime d'ISP de 25 000 euros pour un chef de cabinet ne me paraît pas choquante au regard de ce qui se pratique ailleurs."
http://www.lexpress.fr/actualite/politique/ce-que-cache-encore-l-affaire-des-cigares-de-christian-blanc_904666.html

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