samedi 9 juin 2012

Des enseignants non déclarés pendant 31 ans !

Hier, après une longue instruction, Gérard Charton, l'ancien directeur du Cours Jean-Jacques-Rousseau, est venu s'expliquer sur l'absence de déclarations préalables de ses enseignants pendant 31 ans. Il encourt une amende de 40 000 euros dont 20 000 avec sursis.

« UN sentiment ? J'en suis malade depuis 6 ans ! » Professeur de mathématiques, Annick Aka est entrée au « Cours Rousseau » en septembre 1977. « J'en suis sortie en juin 2005. Je suis en fin de carrière… j'ai travaillé 26 ans… Je ne suis déclarée que de janvier 2005 à juin 2005. J'ai travaillé 26 ans pour rien ! ».

« En perdant Jean-Jacques-Rousseau, j'ai tout perdu. Je n'ai droit à rien. Ni chômage, ni sécurité sociale ». Entré en septembre 1984, ce professeur d'espagnol a perdu son poste en 2005, lors de la vente du Cours. « C'était mon emploi principal ».

Pendant 31 ans, les enseignants du Cours Jean-Jacques-Rousseau, un établissement d'enseignement secondaire et supérieur privé hors contrat, créé en 1974 par Gérard Charton, professeur de lettres, n'ont pas été déclarés dans les formes. Ils n'ont donc pu être licenciés dans les formes, n'ont pu obtenir d'indemnités… Ils ont pour la majorité perdu leurs droits à la retraite, au chômage. Pour la plupart, ils enseignaient 3 à 4 heures par semaine. Pour d'autres, c'était leur seul employeur.
« Ils n'étaient déclarés nulle part. En fait, ils n'existaient nulle part ! Il n'y a jamais eu la moindre déclaration à l'Urssaf. La direction n'a jamais payé la moindre charge sociale ». Hier, Me Bony, l'avocate des enseignants floués, n'a pas mâché ses mots à l'encontre de l'ancien directeur, évoquant « Une escroquerie monumentale ».
Seul à la barre, son associée de l'époque Simone Wojewoda étant décédée, Gérard Charton devait répondre hier de « travail dissimulé » et « d'embauche de salariés par contrat à durée déterminée hors cas autorisés ». « C'était l'usage… Je ne savais pas… » Pour toute explication, l'ancien directeur va minimiser son implication rejetant les responsabilités administratives sur son associée Simone Wojewoda.


Une méconnaissance des textes
« Mon travail était un simple travail d'aide-comptable. Je recopiais ce qu'elle me donnait. Je me contentais d'établir les bulletins de salaires… C'est elle qui s'occupait de la partie administrative, je la suppléais simplement… ».
S'il va reconnaître l'absence de déclaration préalable à l'embauche, il va néanmoins se retrancher derrière une méconnaissance des textes… « Si on en avait été informés par l'Urssaf, on aurait fait les démarches nécessaires. On ne nous a rien dit ! Ce n'était pas une volonté de ma part, mais une méconnaissance ».
Sur le recours systématique aux contrats à durée déterminée pour l'embauche des enseignants, alors que les contrats en question n'étaient pas temporaires, mais reconduits d'année en année, il va insister… « C'était l'usage ».
Son avocat, Me Blocqeaux, va démonter l'accusation, réfutant l'élément intentionnel. « Tous ceux qui sont ici sont payés par l'Education nationale. Ils travaillaient 4 heures par semaine… C'était un complément. On a fait de cette affaire une montagne ! Il a toujours reconnu l'absence de déclaration à l'embauche, mais il n'y avait rien d'intentionnel. Il a fait l'objet de contrôles réguliers de l'Urssaf. Quand on veut dissimuler, on ne tient pas un registre des salariés, on ne sollicite pas le rectorat… Où est l'intérêt de dissimuler ? D'élément intentionnel, il n'y a pas. De travail dissimulé, il n'y a pas ». Et de plaider la relaxe pure et simple.
Un avis loin d'être partagée par l'avocate des parties civiles. « Ils sont passés entre les mailles du filet pendant 25 ans ! L'absence de connaissance et l'absence d'intention, ça me fait doucement sourire… On se moque littéralement du monde dans cette affaire ! Ces enseignants sont tous floués sur l'ensemble de leur carrière ! C'est une situation extrêmement compliquée et grave pour eux. Aujourd'hui, ils n'existent pas en tant qu'enseignants… Les professeurs ont été escroqués pendant les 31 années de vie du Cours Rousseau. Les conséquences sont dramatiques ».
Estimant que les infractions étaient « caractérisées », Sextine Du-Crest, substitut du Procureur, a requis 40 000 euros d'amende dont 20 000 euros avec sursis. « En tant qu'employeur, il n'a pu ignorer l'obligation de déclarer un employé. Ce n'est pas un oubli isolé… Ces faits manifestent une volonté de se soustraire aux obligations et non une simple négligence. Il ne pouvait non plus ignorer les règles d'un CDD. La nature des contrats aurait dû être celle d'un CDI. Cette application n'a pu être ignorée pendant plus de 30 années ! Il a tiré un certain profit de cette infraction ».
L'affaire a été mise en délibéré au 3 juillet.


http://www.lunion.presse.fr/article/marne/des-enseignants-non-declares-pendant-31-ans

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