Ahmed s'est rendu au cimetière de la Buffe, comme il le fait régulièrement depuis la mort de sa femme en 1996. Mais ce jour-là, il ne trouve plus rien.
La voix est douce. Pourtant, c'est une tempête qui agite Ahmed Chatti. Une tempête de douleur et d'incompréhension.
Il y a quatre mois, il se rend au cimetière de la Buffe à Cagnes pour se recueillir sur la tombe de son épouse comme il le fait régulièrement avec ses enfants depuis 1996. Mais, ce jour-là, il ne trouve plus rien. Plus le cyprès qu'il avait planté « parce qu'elle adorait cet arbre », plus les roses et les géraniums qu'elle aimait tant et dont il fleurit la tombe dès qu'il le peut.
À la place, Ahmed ne trouve que de la terre grossièrement labourée. Ne trouve qu'un trou.
Un immense vide, comme celui qui s'est formé ce jour-là dans son cœur pour la deuxième fois. « C'est comme si elle était morte deux fois pour nous ».
«On ne regarde pas le temps passer»
Marie-Laure, assistante maternelle pour la mairie, est morte « bien trop tôt »,comme il le dit pudiquement. Elle avait 37 ans, c'était en 1996. « Nous l'avons enterrée dans la partie commune. Je savais, bien sûr, que cela ne dure qu'un temps. Mais le temps passe et on ne le regarde pas passer dans ces moments-là, on ne se rend pas compte. Ils sont venus prendre le corps de Marie-Laure, mais personne ne nous a prévenus », raconte dans un souffle Ahmed ému aux larmes. « Je suis allé voir le gardien, il m'a dit que cela faisait une semaine qu'ils étaient venus. Mais il a été incapable de me dire où ils l'avaient emmené ».
Alors, Ahmed a écrit à la mairie, s'est déplacé. « La secrétaire m'a expliqué qu'ils avaient voulu me prévenir, mais qu'ils n'avaient pas retrouvé mes coordonnées. J'habite la même maison à Cagnes, depuis 1985 ! Je paie mes impôts locaux, mon EDF, comment est-ce possible ? », s'interroge Ahmed. « Je comprends qu'ils doivent enlever les corps, mais nous devons, nous les vivants, avoir le choix d'acheter à ce moment-là un caveau. C'était à moi de m'organiser. J'aurais fait un crédit ! Où va-t-on se recueillir maintenant, où est le corps de mon épouse ? ».
À la mairie, on explique avoir fait les choses mieux que dans les règles. « Cette dame a bénéficié d'une sépulture gratuite sans titre de concession pendant une durée de 5 ans. La ville devait reprendre cet emplacement en 2009. Nous avons procédé à un affichage de l'arrêté de reprise en octobre 2009 sur les portes de la Buffe, mais aussi sur le carré en question où reposait la dame, et sur la porte de la mairie et des mairies annexes », explique Alain Lucas, le directeur de cabinet de Louis Nègre. « La loi impose une publicité pendant un mois, nous l'avons laissée jusqu'en septembre 2010. De plus, nous avons fait paraître l'avis dans Nice-Matin. À l'issue de toutes ces procédures, nous avons fait procéder à l'enlèvement du corps ».
Dans l'ossuaire communal
Alors que sont devenus les restes de Marie-Laure?
« Le service des cimetières a procédé à l'exhumation des restes mortels. Les restes ont été placés dans des boîtes à ossements en vue de crémation. Les cendres recueillies ont été mises dans les reliquaires déposés dans l'ossuaire communal ».
Aujourd'hui Ahmed continue de venir se recueillir à la Buffe. Comme un automate, perdu.
« Je m'assois au même endroit, même si je sais qu'il n'y a plus rien. Et ça fait encore plus mal ».
http://www.nicematin.com/derniere-minute/il-trouve-la-tombe-de-sa-femme-vide-au-cimetiere-de-la-buffe-a-cagnes.840590.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire