Tout le monde ne sera pas frigorifié, aujourd'hui, à l'occasion du match Amiens - Angers. Dans la loge du conseil régional, payée 4800 euros par match, il fait toujours bon vivre.
REPORTAGE - Le match ? «Euh, honnêtement, on ne vient pas seulement pour ça. » Accoudé au bar, coupe de champagne en main, Yannick Flet, patron d'une entreprise de couverture des environs d'Amiens, ne semble pas vraiment passionné par ce qui se passe sur la pelouse.
Ce soir-là, Amiens affronte Monaco. Une affiche, comme on dit dans le jargon footballistique. Ce chef d'entreprise partage avec quatre autres sociétés la location de l'une des 22 loges du stade de la Licorne.
Une question de prestige, et de camaraderie. «On vient avant tout pour partager un moment, pas vraiment pour faire du business », abonde Vincent Lefebvre, concessionnaire moto.
À côté de lui, coupe de champagne en main, Yannick Gomez, directeur départemental de la sécurité publique, est lui aussi venu partager le verre de l'amitié. La police ne possède pas encore de loge, mais ce n'est pas une raison pour se priver.
C'est donc ça, les fameux carrés VIP des stades de football. Des réduits de 15 à 25 m² où l'on goûte aux petits fours arrosés de champagne Taittinger. «Le meilleur, évidemment », nous confirme la représentante de la marque, fournisseur des loges, même du temps où le club évoluait dans le vétuste stade Moulonguet.
«Chez eux, c'est le grand luxe »
Des bulles autour du ballon, ce n'est pas nouveau. Et à ce jeu-là, les politiques ne sont pas en reste. Partenaire de l'ASC, le conseil régional dispose également, depuis la création du stade, en 1999, d'une loge de prestige au stade de la Licorne.
Elle est facturée 92 000 euros par saison, service compris. Un espace VIP de 25 m² disposant d'une tribune privative, d'un bar et d'un écran plasma, qui alimente souvent les fantasmes. «Nous, à côté, nous sommes des amateurs, assure l'occupant d'une loge voisine. Chez eux, c'est le grand luxe. »
Intrigués, nous empruntons le long couloir qui mène à cette fameuse loge. Le nez collé à la vitre qui offre une vue panoramique sur le stade, Claude Gewerc, président PS du conseil régional, assiste impuissant à une nouvelle défaite des locaux. «Ça va être dur », commente l'élu socialiste, évoquant une fin de saison qui s'annonce compliquée. Pas de quoi plomber l'ambiance néanmoins. Comme dans les autres loges, champagne, whisky de marque et petits fours réchauffent l'atmosphère.
«Ce n'est pas un abus »
Une question nous taraude néanmoins. Pourquoi une collectivité s'offre-t-elle le prestige d'une loge aux frais du contribuable ? Et à qui profite-t-elle, à part aux élus ? «A tous ceux qui bossent avec nous bénévolement, aux lycéens, aux agents de la Région, explique Olivier Chapuis-Roux, vice-président en charge des sports. Une fois, nous avons aussi invité des petits chefs d'entreprise du BTP de Picardie et nous projetons d'y réunir des chercheurs. Le football est un alibi pour se retrouver et parler d'autre chose que de boulot. »
Ce soir-là, néanmoins, pas de trace de ces bénévoles ou travailleurs de l'ombre. Dans la loge, des élus de Clermont-de-l'Oise, ville du président de Région, mais aussi des supporters picards de l'AS Monaco, invités par Olivier Chapuis-Roux.
«Il y a aussi mon épouse, précise le vice-président. Cela me permet de passer une soirée avec elle, je ne considère pas que ce soit un abus. »
Pas vraiment convaincus, on insiste. «Mais que dirait-on si le conseil régional n'aidait pas le premier club de Picardie ? », interroge Claude Gewerc.
Au-delà de cette loge, la Région s'affiche en effet comme un partenaire privilégié du club. En sa qualité de sponsor, visible sur les maillots, mais aussi en achetant 6 000 places par saison distribuées aux scolaires.
Soit un investissement annuel de 160 000 euros, dont 92 000 euros pour la loge.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-regionale/Des-elus-regionaux-bien-loges-au-stade
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